
PPL Duplomb, notre lettre ouverte aux députés
L'industrialisation de l'élevage, au détriment des éleveurs
Paris, le 23 mai 2025.
Mesdames et Messieurs les Député.e.s,
Un tiers des élevages français a disparu en dix ans. L’agrandissement des élevages a débouché sur une concentration accrue des cheptels pour un nombre toujours plus réduit d’exploitations. Entre 2010 et 2020, la taille des élevages a augmenté de 38% pour les exploitations laitières, 55% pour les porcines, 227% pour les poulets de chair et 454% pour les poules pondeuses ! Cette concentration n’a pas permis de répondre aux difficultés quotidiennes des éleveurs, bien au contraire.
Depuis 15 ans, la réglementation qui encadre l’implantation et l’agrandissement des élevages industriels est attaquée, affaiblie, assouplie. Avec l’article 3 de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (PPL Duplomb), le détricotage s’accélère. Il est double. D’une part, il s’agit de restreindre la consultation du public lors des procédures d’autorisation et de l'autre, de relever les seuils (en nombre d’animaux) nécessitant une autorisation environnementale - lesquels pourraient passer de 40 000 à 85 000 emplacements pour les poulets de chair (soit plus du double !) et de 2 000 à 3 000 emplacements pour les porcs. Cette régression pourrait conduire au doublement du nombre d'élevages industriels et du nombre d'animaux enfermés dans ces exploitations. Une pente extrêmement dangereuse pour notre modèle d’élevage.
Ces mesures, supposées aider les éleveurs, ne vise qu’une infime minorité d’entre eux, mais avec des risques avérés !
Aujourd’hui, seules 2 % des exploitations sont soumises à autorisation et 8 % à enregistrement. Alors que la PPL Duplomb prétend aider les éleveurs, une telle mesure ne “bénéficierait” supposément qu’à une extrême minorité d’entre eux, généralement mieux lotis économiquement.
Bien loin de l’image d’Épinal d’une agriculture à taille humaine, ces exploitations sont des entreprises qui peuvent présenter des risques pour l’environnement et doivent être encadrées en conséquence. Une enquête du collectif “Stoppons l’extension”1 dont Greenpeace France est membre, publiée le 16 mai, révèle une contamination préoccupante de l’eau de baignade dans le Finistère par des bactéries pathogènes, probablement issues de la pollution fécale des élevages industriels environnants !
On entend dire que la France est à la traîne comparé à ses voisins européens. Or, la part des fermes industrielles en France est déjà bien supérieure à la moyenne de celle de l’UE et comparable à des pays comme l’Allemagne et l’Espagne (Commission européenne. 2020 EUROSTAT Censu). La concentration des élevages aggrave les difficultés de la majorité des éleveurs qui veulent conserver un modèle à taille humaine et compromet la transmission des exploitations, ce qui menace gravement le renouvellement des générations. Comme l’explique, Franck, éleveur de vaches laitières dans les Côtes-d'Armor et membre du réseau CIVAM : « Cette dynamique à l'œuvre nous montre bien à quel point les systèmes de production industrielle menacent l'existence de nos modèles paysans. Nous inviter à « ne pas opposer les modèles », c'est nier la réalité de terrain, où la pérennité et la transmissibilité de nos fermes sont concurrencées par l'expansion de systèmes toujours en quête de plus de rentabilité. »
L’enjeu est de valoriser nos filières, plutôt que de niveler notre réglementation vers le bas.
La stratégie de développement de produits bas de gamme issus d’élevages industriels est vouée à l'échec, notamment en raison de la différence dans le coût de main d’œuvre avec d’autres pays au sein et hors de l’UE. De plus, les productions animales sont largement dépendantes des importations de soja et d’engrais de synthèse et monopolisent une part disproportionnée des terres agricoles pour l’alimentation animale, ce qui vient concurrencer d'autres cultures nécessaires à notre souveraineté alimentaire.
Si elle fait le jeu des industries agroalimentaires et de l’alimentation animale, cette stratégie ne pourra pas, à moyen ou long terme, soutenir l’élevage en France. Celui-ci a besoin de création de valeur et de débouchés pour des produits à plus forte valeur ajoutée.
Député.e.s, vous avez un choix pour sauvegarder un modèle d’élevage à taille humaine, durable et respectueux du bien-être animal : opposez-vous à cette loi rétrograde !
Signataires :
- CIWF France
- Fondation pour la Nature et l’Homme
- Greenpeace France
- QUATRE PATTES
- Réseau Action Climat
- Réseau CIVAM
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