Une terre asséchée

SNBC-3 : des objectifs insuffisants pour la planète

Contradictions entre ambitions climatiques et politiques agricoles

15.12.2025

Paris, le 15 décembre 2025 - La troisième mouture de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), publiée le 12 décembre pour une ultime consultation publique, révèle plusieurs angles morts préoccupants. QUATRE PATTES alerte sur deux lacunes majeures : l’absence d’objectifs chiffrés de réduction de la consommation de viande et la suppression des objectifs chiffrés de réduction des cheptels, pourtant présents dans la version soumise à consultation en 2024. 

La SNBC est un outil incontournable pour orienter la France vers la neutralité carbone en 2050. Mais pour être crédible, elle doit être cohérente avec les politiques publiques en matière alimentaires, agricoles, de santé publique et de bien-être animal. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.  

Évolution des régimes alimentaires : une ambition diluée 

La SNBC souligne la nécessité de faire évoluer les régimes alimentaires. Pourtant, le gouvernement s’abstient d’actions structurantes.  

Il renvoie les discussions sur la réduction de la consommation de viande à la future Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC), dont la publication est retardée et où les objectifs de réduction de la consommation de viande restent contestés. La SNBC ne définit ainsi aucun objectif chiffré de réduction de la consommation de produits animaux, alors que les consensus scientifiques convergent sur la nécessité d’une diminution d’au moins 30 % pour parvenir à réduire de moitié les émissions agricoles1

Cette absence de trajectoire est d’autant plus problématique que la consommation de volaille continue d’augmenter, en dépit de ses impacts significatifs sur l’environnement et le bien-être animal. Le poulet est aujourd’hui la viande la plus consommée en France, alors qu’elle est à plus de 50 % importée. La SNBC doit explicitement reconnaître la nécessité d’une réduction de la consommation de volaille, afin de freiner cette dynamique incompatible avec les objectifs climatiques.  

Par ailleurs, la stratégie se limite à mentionner le levier de la restauration collective, décisif mais insuffisant à lui seul. Pour transformer réellement les régimes alimentaires, il est essentiel d’agir aussi sur : 

  • la grande distribution, via un meilleur encadrement des promotions sur la viande, des objectifs de diversification de l’offre végétale et une transparence renforcée sur les conditions d’élevage ;
  • la restauration commerciale, où les volumes consommés dépassent largement ceux de la restauration collective, sans aucune obligation d’alternatives végétales ni de limitation des approvisionnements issus d’élevages intensifs.

QUATRE PATTES rappelle que la France doit s’engager vers moins mais mieux de viande, fondé sur des modes de production durables et respectueux du bien-être animal. 

Élevage : quelques orientations positives, mais des objectifs affaiblis 

La SNBC reconnaît l’intérêt des systèmes d’élevage plus extensifs, tels que les élevages pâturant, et encourage le développement de l’agriculture biologique pour les élevages de poulets et de porcs. Ces orientations sont positives. 

Elles demeurent néanmoins très insuffisantes pour redresser la trajectoire climatique du secteur, en raison : 

De la suppression des objectifs de réduction des cheptels 

La version de la SNBC mise en consultation en 2024 prévoyait : 

  • 12 % de cheptel bovin d’ici 2030,
  • 10 % pour les porcins,
  • une évolution stable pour les volailles. 

Bien que modestes, ces orientations représentaient un premier pas. Leur suppression constitue une régression, en contradiction avec l’état des connaissances scientifiques, qui souligne la nécessité de réduire le nombre d’animaux élevés pour respecter les engagements climatiques. 

Cette suppression s’inscrit dans la continuité du plan du gouvernement de « Reconquête de notre souveraineté sur l’élevage », qui affirme que « la réduction de la taille de notre cheptel d’élevage en France n’a jamais constitué et ne saurait constituer un objectif de politique publique » et souhaite dynamiser l’industrialisation des filières au détriment des enjeux environnementaux et de bien-être animal. 

D’un pari excessif sur les solutions technologiques 

Additifs alimentaires, méthanisation, génétique animale… Pour atteindre les objectifs climatiques de la France sans réduire le cheptel, le gouvernement parie sur des solutions techniques, alors que la transition de modèle est aujourd’hui un impératif.   

La SNBC fonde ainsi une large partie de sa stratégie sur des innovations dont :  

  • l’efficacité est incertaine,
  • les effets à long terme sur la santé humaine et animale ne sont pas établis,
  • l’applicabilité est pensée pour des élevages intensifs, ce qui renforce les systèmes hors-sol, dépendants des importations de soja et d’intrants.

De la référence à des labels aux cahiers des charges insuffisants 

Si le soutien au bio est une avancée nécessaire, le Label Rouge pour les porcs ne garantit ni un niveau satisfaisant de bien-être animal, ni une véritable transition agroécologique. À la différence du bio ou d’élevages réellement extensifs, ce label ne marque qu’une amélioration marginale par rapport à l’élevage conventionnel2

Cohérence des politiques publiques : le maillon manquant 

Malgré certaines orientations pertinentes, la SNBC manque de leviers concrets et souffre d’une absence de cohérence globale. 

Le gouvernement affiche une ambition climatique, mais dans le même temps il soutient des textes tels que la loi Duplomb ou le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE), qui prévoit de sortir les élevages du régime ICPE pour les intégrer à une nouvelle nomenclature ad-hoc décidée par ordonnance, ce qui pourrait constituer un affaiblissement majeur du droit de l’environnement. 

En soutenant des mesures qui facilitent l’industrialisation de l’élevage, le gouvernement crée une contradiction entre ses ambitions climatiques et ses actes. L’expansion de l’élevage industriel aggrave les pressions sur le climat, la biodiversité et la santé publique, tout en accélérant la disparition des éleveurs et en causant d’importantes souffrances animales. Elle renforce également la dépendance française aux importations, notamment de soja et d’engrais azotés, et rend inatteignables les objectifs de réduction des émissions. 

Cette stratégie d’intensification répond à un faux problème et elle est vouée à l'échec pour des raisons structurelles : différences de coût de main d’œuvre avec d’autres pays européens qui rendent difficile le fait de se positionner sur de la compétitivité prix, démographie agricole qui induit mécaniquement aujourd’hui une baisse des volumes de production… 

« Tant que des politiques publiques continueront de soutenir l’industrialisation de l’élevage au détriment des modèles durables, il sera impossible d’atteindre les objectifs climatiques que la SNBC prétend porter. »

 Marie Waniowski, Chargée des campagnes chez QUATRE PATTES

Source

1 - Accélérer la Transition Climatique avec un Système Alimentaire Bas Carbone, Résilient et Juste. Haut Conseil pour le Climat (HCC); 2024. 
2 - Le Monde. L’élevage intensif toujours au menu du Label rouge Porc. 2023.  

Climat et bien-être animal


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